Séminaire SLS : Intervention de Sandrine Burgat

04
déc.
2023.
14h00
16h30
Intervention de Sandrine Burgat, UMR 7023 SFL: "LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE CHEZ L’ENFANT ENTENDANT ET l’ENFANT SOURD d’AGE PRE-SCOLAIRE : REFLEXION SUR LE BEBE-SIGNE, ENJEUX ET IMPACT"

En France, 90 à 95 % des enfants sourds sont issus de parents entendants[1].  Depuis peu, ces parents ont la possibilité de faire le choix du parcours linguistique (bilingue français écrit-langue des signes ou monolingue français) dans lequel inscrire leur enfant. Ils ont été privés de ce droit pendant longtemps, la langue des signes française (LSF) ayant été proscrite en milieu scolaire en France et dans de nombreux pays par le Congrès de Milan (1880). Encore aujourd’hui, l’accès à la LSF dès la petite enfance n’est pas encouragé ou facilité. Une grande majorité des sourds sera des apprenants tardifs de la LSF.  En effet, dès l’annonce de diagnostic, le milieu médical oriente massivement les parents vers l’implantation cochléaire, la rééducation orale et auditive, sans évoquer le choix possible d’un apprentissage par la LSF dans le cadre du bilinguisme (Soriano 2011). Nous avons défini cet état de fait comme une situation de « parentalité empêchée » ( Burgat 2020, 2023 ). Il faut par ailleurs souligner que le choix du parcours linguistique n’est posé qu’à partir de l’entrée à l’école, la réflexion sur un bilinguisme en période préscolaire et durant les premières étapes de l’acquisition du langage étant peu investie.

Parallèlement, La pratique du « bébé-signe », utilisation de signes issus de la langue des signes pour la communication entre le parent entendant et l’enfant entendant, se répand peu à peu jusqu’à devenir une sorte de phénomène de mode.  Un très grand nombre de crèches le propose d’office dans leur projet d’établissement. D’une manière pragmatique, l’intérêt de cette pratique est reconnu pour l’acquisition du langage des enfants alors même qu’ils sont entendants. 

Au cours de notre intervention, nous tenterons de  répondre aux questions suivantes : 

  • Qu’est-ce que Le « bébé-signe » ?
  • Présente-t-il un risque pour la communauté sourde ou au contraire ouvre-t-il des perspectives pour la socialisation langagière des enfants sourds en période préscolaire ?
  • Peut-il offrir une opportunité d’encapacitement pour les parents d’enfants sourds ?

Références

GOODWYN Susan et ACREDOLO Linda, « Impact of Symbolic Gesturing on Early language Development », Journal of Nonverbal Behavior 24, 2000, pp. 81-103.

Burgat Sandrine, Approche directe de l’écrit chez l’apprenant sourd dans une perspective bilingue. Analyse longitudinale d’une expérimentation de dictée à l’expert en LSF conduite auprès de cinq enfants sourds, Thèse de doctorat, Université Paris 8, (dir. C. Cuxac), 2007, 2 volumes.

Burgat Sandrine, (à paraître), Problématiques de l’empêchement à la parentalité au regard de la surdité : la particularité des parents entendants d’enfants sourds  in revue française des affaires sociales « Les parentalités empêchées » , dir Coline Cardi,  Irène-Lucile Hertzog et Lucile Ruault.

Burgat Sandrine, « Respecter la langue et la culture des sourds : pour un bilinguisme français-Langue des Signes Française ». In Biichlé Luc & Dinvaut Annemarie (dir.), Mieux vivre en langues. De la maltraitance à la bientraitance linguistiqueL’Harmattan, 2020pp.217-236.

Bouhier-charles Nathanaëlle et Companys Monica, Signe avec moi. La langue gestuelle des sourds à la portée de tous les bébés, Angers, éditions Monica Companys, 2011.

CUXAC Christian, « Langue des signes française (LSF), les voies de l’iconicité » in Fait de langues, n°15-16, 2000.

Grosjean François, « Le droit de l’enfant sourd à grandir bilingue », Revue Surdités N° 3, 2000, p. 90-93.

Rannou Pauline, « Parents entendants d’enfants sourds en France : récits de mères illustrant les écarts entre discours officiels et pratiques des professionnels face à la diversité des modèles de communication existants », Alterstice, 7 (2), Québec, Alterstice éditions, 2017, p. 67–76.

Soriano Véronique. « Réflexions sur l'annonce du diagnostic précoce de surdité », Empan, vol. 83, no. 3, 2011, p. 79-85.

 

 

 


[1] Pour la France, on retrouve ce chiffre dans le rapport Gillot de 1998. On peut le retrouver dans bien des ouvrages scientifiques par exemple, pour les Etats-Unis, les travaux de Schein 1989 et ceux de Mitchell et Karchmer 2004 qui évoquent aussi 95 % d’enfants sourds de parents entendants.

 

Interprété en LSF