[Sem SynSem] Pollet Samvelian (U. Paris 3 - Sorbonne Nouvelle & ILPGA – Lattice) &Pegah Faghiri (Amsterdam) & Victoria Khurshudyan (Inalco – SeDYL)

28
mar.
2022.
14h00
16h30
Pourquoi l’ordre SVO résiste au changement ? L’ordre canonique en arménien oriental moderne

Pouchet - 124 & Zoom

Pollet Samvelian (Université Sorbonne Nouvelle – Lattice)                                    Seminaire Syntaxe et sémantique
Pegah Faghiri (Université d’Amsterdam)
Victoria Khurshudyan (Inalco – SeDYL)

Pourquoi l’ordre SVO résiste au changement ? L’ordre canonique en arménien oriental moderne  (abstract en pdf)

L’ordre dit « canonique » ou « non marqué » fait l’objet de controverse en arménien oriental moderne (AOM). Hormis quelques rares exceptions (Dum-Tragut 2009: 555, Dryer 2013), qui affirment que l’arménien est non spécifié pour l’ordre (OV ou VO), les études typologiques et syntaxiques classent ce dernier parmi les langues (S)OV flexibles (Der-Houssikian 1978:227-8 ; Hawkins 1983, parmi beaucoup d’autres). Or, d’après les grammaires et les études descriptives publiées en Arménie depuis le milieu du 20ème s., dans les énoncés neutres ou non marqués, le complément d’objet direct (COD) est placé après le verbe (Badikyan, 1976, parmi d’autres).

Nous aborderons cette question en nous appuyant sur une série d’études quantitatives, deux études de corpus sur le Corpus National d’Arménien Oriental (EANC, www.eanc.net), et deux expériences menées avec les locuteurs de l’AOM résidant en Arménie (Samvelian et al., à paraître). Les résultats de ces études sont convergents : les COD définis apparaissent majoritairement (environ 80%) en position postverbale. Les COD nus et indéfinis manifestent en revanche une nette préférence, quoique moins marquée, pour la position préverbale. Deux autres facteurs, la longueur et l’animéité, interviennent également en favorisant le placement postverbal du COD, indépendamment de sa définitude. Si l’on définit l’ordre non marqué comme celui qui est utilisé dans les phrases stylistiquement neutres, à l’indicatif, avec deux participants non-pronominaux, un sujet agentif défini et un COD patient défini (Siewierska 1988: 8), on devrait alors conclure, à l’instar des grammairiens arméniens, que l’ordre non marqué est en effet (S)VO en AOM.

Cette situation implique une « disharmonie » : alors que les constituants en AOM sont leftbranching de façon très cohérente (Donabedian 2010), ce qui est caractéristique des langues OV, l’ordre non marqué serait VO au niveau de la phrase. Pour rendre compte de cette « anomalie » typologique, nous considérerons les facteurs aréaux (Stilo 2014) et historiques (Hayrapetyan 2005) et proposerons une explication en termes de principes cognitifs/fonctionnels : la distribution quasi complémentaire des ordres OV et VO en AOM permettrait un usage optimal des avantages de chacun de ces ordres (Gibson et al. 2013 ; Ferrer-i-Cancho 1015). La « persistance » de VO en AOM pourrait en outre être considérée comme une illustration supplémentaire d’un biais universel en faveur de l’ordre VO mis en évidence dans les recherches sur la typologie et l’évolution des langues (Givon 1979; Gell-Mann et Ruhlen 2011, parmi d’autres).
 

Références bibliographiques

  • Badikyan, K. 1976. Žamanakakic’ hayereni parz naχadasut’yan šaradasuthyunə [The Word Order in the Simple Sentences in Modern Armenian]. Yerevan.
  • Der-Houssikian, H. 1978. The Semantic Significance Of S, O, V Sequences In Armenian. In Mohammad A. Jazayery, Edgar C. Polomé and Werner Winter (eds.), Linguistic and Literary Studies, Vol 2, Descriptive Linguistics, 227–236. Berlin & New York: De Gruyter Mouton.
  • Donabedian, A. 2010. Nom nu et tropisme typologique : le cas de l’arménien. In Franck Floricic (ed.), Essais de typologie et de linguistique générale, mélanges offerts à Denis Creissels, 403–416. Lyon: ENS Editions.
  • Dryer, M. S. 2013. Order of Subject, Object and Verb. In Matthew S. Dryer and Martin Haspelmath (eds.), The World Atlas of Language Structures Online. Leipzig: Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology (Available online at http://wals.info/chapter/81, Accessedon 2020-12-09.)
  • Dum-Tragut, J. 2009. Armenian: Modern Eastern Armenian. Amsterdam: John Benjamins.
  • Ferrer-i-Cancho, R. 2015. The placement of the head that minimizes online memory: a complex systems approach. Language Dynamics and Change 5.1 (2015): 114–137.
  • Gell-Mann, M. and M. Ruhlen. 2011. The origin and evolution of word order. PNAS 18 : 17290- 17295.
  • Gibson, E., S. T. Piantadosi, K. Brink, L. Bergen, E. Lim, and R. Saxe. 2013. A noisy-channelaccount of crosslinguistic word-order variation. Psychological science 24(7). 1079–1088.
  • Givón, T. 1979. On Understanding Grammar. New York: Academic.
  • Hawkins, J. A. 1983. Word order universals. Academic Press: New York.
  • Hayrapetyan, S. A. 2005. Grabari šarahyusut’yun [Syntax of Grabar. V century]. Yerevan: Science.
  • Samvelian, Pollet, Pegah Faghiri et Victoria Khurshudyan. In press. The persistence of SVO: The case of Modern Eastern Armenian. Linguistics.
  • Siewierska, A. 1988. Word Order Rules. London: Croom Helm.
  • Stilo, D. 2014. Areal factors and postverbal Patients in spoken Azerbaijani: a corpus-based study. In N. Demir, B. Karakoç and A. Menz, Turcology and linguistics: Eva Agnes Csato Festschrift. 417– 430. Ankara: Hacettepe Üniversitesi Yayınları.
Pas d'interprétation en LSF