[Grammaires Créoles] Benjamin Storme / Yves Moñino

20
nov.
2017.
14h00
17h00
Phonologie de l'haitien / Constructions à double objet en palenquero

salle 159

Benjamin Storme (SFL) : Contraste paradigmatique en haïtien

Yves Moñino : Du nouveau sur les constructions bitransitives du palenquero, créole espagnol de Colombie

Benjamin Storme (SFL) : Contraste paradigmatique en haïtien

Les langues semblent parfois chercher à éviter que deux formes dans un paradigme morphologique soient identiques (e.g. Kenstowicz 2005) ou trop similaires (e.g. Lofstedt 2010). Kenstowicz appelle ce phénomène “contraste paradigmatique”. Dans cette présentation, je propose d’analyser une restriction morpho-phonotactique surprenante en haïtien comme un cas de contraste paradigmatique.

En Haïtien, les pronoms ont une forme courte et une forme longue. La distribution des formes courtes est contrainte phonologiquement : les formes courtes doivent être adjacentes à une voyelle. Mais la forme courte y [j] du pronom de troisième personne du pluriel yo [jo] “ils/elles” a une distribution encore plus contrainte : elle peut apparaître en attaque (1a) mais pas en coda (1b)  (Valdman 1988: 75 + travail de terrain). Dans ce contexte, seule la forme longue yo est permise. Le fait que la forme courte y [j] soit interdite dans cette position est surprenant car [j] est licite en position coda en haïtien (e.g. travay [travaj] ‘travail’).

(1) a. Y ale.
        Ils sont partis.

b. Pol we yo/*y.
      Paul les a vus.

Je propose que y “ils/elles”est illicite en coda afin d’éviter une trop grande similarité perceptuelle avec la forme courte du singulier l “il/elle” (2a), selon la logique du contraste paradigmatique. Y est permise en position d’attaque car les deux pronoms l et  y sont suffisamment distincts perceptuellement dans ce contexte (2b).

(2) a. Pol we l/*y.
          Paul l’/les a vu/s.
      b. l/y ale.
         Il/Ils est/sont parti/s.

L’analyse s’appuie sur des arguments typologiques et sur les résultats préliminaires d’une expérience de perception. Je discute également la question de savoir (i) si le phénomène de contraste paradigmatique doit être modélisé synchroniquement ou seulement diachroniquement et (ii) si les locuteurs cherchent activement à éviter une similarité pernicieuse entre deux formes ou s’il s’agit seulement d’un phénomène émergent (e.g. Wedel et Blevins 2009).

Yves Moñino : Du nouveau sur les constructions bitransitives du palenquero, créole espagnol de Colombie

"Du nouveau sur les constructions bitransitives en palenquero, créole espagnol de Colombie" Lors de mon précédent exposé sur l'ordre des compléments des verbes trivalents en créole de Palenque (Colombie), je me suis imprudemment avancé en affirmant que les constructions bitransitives + V + C du destinataire + C d'objet, qui n'existent pas dans les langues romanes lorsque les C sont nominaux, n'existaient pas non plus en kikoongo, la langue de substrat du créole palenquero. En fait, une thèse de travaux comparatifs récents soutenue par Guy N'douli en 2016 à bruxelles, démontre que tant en kituba (langue véhiculaire kongo), que dans les vernaculaires kongo, ces constructions existent parallèlement au classique ordre S + V + COD + prép. + C du destinataire, le seul que j'avais relevé lors d'une enquête de terrain au Congo. Il y a donc lieu d'attibuer au kikoongo les constructions bitransitives du palenquero, ce qui explique aussi pourquoi la liste des verbes trivalents de la langue de Palenque n'est pas limitée comme dans d'autres créoles.

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