Gabriel Thiberge "Acquisition de la variation sociolinguistique en français L1 : le cas des interrogatives partielles"

14
fév.
2022.
14h00
16h00
Acquisition de la variation sociolinguistique en français : le cas des interrogatives partielles

UPS Pouchet Salle 124

Acquisition de la variation sociolinguistique en français L1 : le cas des interrogatives partielles

Les interrogatives partielles du français regroupent plusieurs types phrastiques, selon la position de l'élément interrogatif (en début de phrase (1) ou en position argumentale (2)) notamment, mais aussi en fonction de si le sujet et le verbe sont inversés (3), ou de si une locution du type "est-ce que" est utilisée (4).

(1) Où tu vas ?
(2) Tu vas où ?
(3) Où vas-tu ?
(4) Où est-ce que tu vas ?

En acquisition L1, cette alternance de formes a quasiment exclusivement été étudiée sous un angle syntaxique, avec entre autres une métrique de complexité dérivationnelle (Derivational Complexity Metrics, DCM ; Jakubowicz 2005, 2011) inspirée des travaux générativistes et sur le mouvement de constituants. Cette métrique postule que (2) serait la forme la moins coûteuse, car proche de la forme déclarative ("Tu vas ici."), et qu'elle serait acquise avant (1), qui elle-même serait acquise avant (3), ce que semblent confirmer les données d'observation (enfants francophones du projet CHILDES par exemple).

Cette analyse syntaxique de l'alternance entre types phrastiques d'interrogation partielle ignore, curieusement, assez globalement l'ensemble des autres travaux menés chez l'adulte sur ce même point de variation : travaux sur l'influence de la situation informationnelle, de stratégies phonotactiques, ou encore de facteurs sociolinguistiques.

Après avoir resitué la globalité des facteurs pouvant jouer sur cette alternance entre (1-4) chez l'adulte, je présenterai deux expériences menées chez l'enfant. Ces travaux mettent en lumière une influence précoce de facteurs sociopragmatiques dans la production et la compréhension de formes interrogatives. Une tâche de compréhension, adaptée d'un protocole utilisé chez l'adulte, met ainsi en lumière que les enfants (N=136, âge=3-11 ans) associent très tôt des stéréotypes sociaux différents à chaque forme interrogative, de façon similaire à l'adulte. Une seconde tâche, de production sous forme de jeu de rôle avec des marionnettes, montre une adaptation précoce des productions d'interrogatives en fonction du contexte (formel vs. informel) de la part des enfants (N=68, âge=4-9 ans), là encore avec un patron qui se rapproche de la compétence adulte.

Ces résultats, dans la lignée d'autres recherches sur l'influence de facteurs sociolinguistiques sur les productions linguistiques précoces en L1, incitent à une révision globale des schémas développementaux, en intégrant ce paramètre social.